Le texte

Je suis sûr que ça t’es déjà arrivé : t’as un copain, un ami, un proche, que t’aime bien, mais y’à un truc - parfois un détail - vraiment gênant chez lui, genre il coupe la parole à tout le monde comme c’était une page de pub, ou bien il passe son temps sur son téléphone, parce que parler aux gens autour de la table, ilé voit pas l’intérêt… ou juste il a une haleine tellement pourrie que quand il baille, t’as l’impression d’entendre un bruit de pet.

Ah, c’est pas l’envie qui te manque de lui hurler dessus ou de lui mettre des baffes dans sa gueule par deux jusqu'à ce que tu tombes sur un nombre impair mais comme c’est déconseillé par la loi, t’as pris ton courage à deux couilles, et t’as profité d'un petit moment en tête à tête pour t'approcher de lui en mode “diplomate furtif” parce que le but, c'est pas de lui éternuer la vérité dans la gueule et de réduire son ego en cendres, on est d’accord ?!

Et donc tu lui as murmuré l’acte d’accusation avec le tact de compétition d’un cuisinier qui prend la commande du dernier repas d’un condamné à mort : … “Tu sais, peut-être que… enfin je dis ça comme ça… mais et si tu utilisais un chausse-pieds pour décoller ton portefeuille de ta poche quand il s’agit de payer un coup ?”... Ou alors : “Comme c’est bientôt ton anniv, je t’ai trouvé ça : c’est un T-Shirt avec marqué : “Désolé pour le retard”, c’est rigolo, hein ? Et puis tu pourras le mettre chaque fois qu’on se voit.”

Mais au final, t’as pris tellement de pincettes que ton pote, il a cru que tu lui parlais chinois.

Et attention ! Qu’il ne capte rien, c’est pas le pire : il peut aussi conclure que ce qu’on lui reproche a encore moins d’importance qu’une tache sur sa chemise, et que si c’était vraiment un problème, on lui aurait déjà dit.

Pire encore : il peut faire semblant de pas comprendre, mais il se dit au fond : “Oh l’bâtard ! Il me fait croire qu’on était pote, et là, genre “j’te veux du bien” il me retourne la gueule comme une crêpe pour rien du tout, en plus !”

Résultat : tu t’es cassé le fion pour choisir les meilleurs mots avec le soin d'un chirurgien-philosophe et tu passes finalement pour un nazi sous stéroïdes assoiffé de vengeance.

Ah, ça vaut bien la peine de dire les choses !

Mais quand on y réfléchit, si ça se trouve, ça t’est peut-être aussi déjà arrivé dans l'autre sens… Comment tu peux être sûr de pas être le relou de la clique sans te rendre compte, parce que les défauts, c'est comme les pets, il y a que ceux des autres qu’on supporte pas !

Je te connais pas mais peut être que tu réponds pas souvent aux messages, t’écoute pas trop les autres, quand il y a une erreur, c’est jamais de ta faute…

C’est hyper vicieux parce que si ça se trouve, on est déjà venu te parler en mode “mission secrète/langage codé” pour pas que t’explose, mais t’as tellement rien pigé que tu t’en souviens même pas. Ou alors t’as répondu “Bah, c’est qu’un détail, c’est sûrement pas grave puisque personne d’autre m’a rien dit" … et t’as continué ta vie tranquille avec ta grâce légendaire d’un tractopelle dans une bijouterie.

Ou alors…

T’as aussi cru que c’était un faux ami qui est venu te déglinguer la gueule avec des gants tout doux, comme des gants de boxe, et t’as peut-être aussi fait semblant d'être sourd, mais à cet instant-là, tu l’as doucement rayé de ta vie dans ta tête, cet enculé qui est venu te reprocher des trucs hors-sol !

Il faut avoir l’oreille bien plus fine que tu crois pour différencier le conseil courageux de la manipulation sournoise; imagine un copain qui te dis en tête à tête :

“Ce qui est un peu soûlant des fois, c’est que t’as tellement pas envie de reconnaître tes torts que tu prétends que c’est le dictionnaire qui se trompe ! … tu crois que tu pourraiiiis… enfin, ce serait peut-être bien si tuuuu… reconnaisse juste que t’as pas la science infuse ! … ou que tu abuses des fois sur le parfum, et que t’es pas obligé de dire chier, merde et putain dans toutes tes phrases”

Écoute ces murmures ! Parce que peut-être bien des clés qu’on te glisse à l’oreille pour éloigner les nuages de ta vie sociale, pas forcément pour te pousser au suicide !

Ces petits mots chuchotés, doux et acides comme une tranche de citron au chocolat, c’est pas parce qu’on t’aime pas, c’est parce qu’on t’ aime suffisamment pour ne pas avoir envie de ne plus t'aimer du tout.-

Ah, ça pique un peu, ça oui ! … Mais et si tu prenais ça comme une sorte de vaccin contre la solitude qui te guette, finalement ?! …